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Photo du rédacteurCaroline Haïat

Abood Cohen : portrait d'un Samaritain originaire du mont Gerizim


Abood Cohen

"La plupart des gens n’ont pas conscience qu’il existe encore des Samaritains", déplore Abood, (Ovadia en hébreu), qui vit sur le mont Gerizim en Cisjordanie, avec quelque 800 autres Samaritains. Il fait partie de l’une des plus petites et anciennes communautés religieuses au monde, l’une des branches du Judaïsme. "Nous nous sentons à la fois Samaritains, Israéliens et Palestiniens", affirme le jeune homme de 30 ans. Une identité multiple qu’il revendique avec fierté et qui lui a permis d’avoir une certaine ouverture sur l’autre et sur le monde, malgré un mode de vie soumis aux règles strictes de la communauté. Découverte.


Abood travaille comme guide touristique sur le mont Gerizim, lieu saint et symbolique pour la communauté des Samaritains. Ils croient notamment que les récits de la Torah se sont déroulés sur cette montagne. De sa fenêtre, Abood a une vue panoramique sur Naplouse, il habite à la fois dans les zones A et C de la Cisjordanie. "C’est un avantage car nous bénéficions de la poste israélienne et de sa rapidité. Dans notre garage, nous réceptionnons également les colis des Palestiniens qui mettent notre adresse. Ils passent évidemment par des contrôles mais cela les aide à les recevoir plus rapidement", affirme Abood.


Après avoir obtenu une licence en marketing à l’université de Naplouse, l’une des meilleures du monde arabe, Abood a décidé de faire connaître sa communauté en organisant des circuits touristiques sur le mont Gerizim.


"Il y a 15 ans, mon oncle a construit un petit centre à côté de sa maison pour expliquer au monde ce que sont les Samaritains, et j’ai vite compris que cela intéresse énormément les gens car nous avons une histoire et une culture singulières et des traditions que nous perpétuons de générations en générations. J'ai commencé par en apprendre davantage sur moi et sur mon histoire, puis j’ai transmis mon savoir aux touristes de l’étranger mais aussi aux Israéliens et aux nombreux écoliers qui nous rendent visite. J’organise des tours d'environ 5 heures qui comprennent le musée des Samaritains, et l’endroit où on fait le sacrifice de l’agneau à Pessah. Les gens adorent car cela représente pour eux une expérience inoubliable", affirme-t'il.

Des traditions qui diffèrent du judaïsme


Les Samaritains observent un judaïsme quelque peu différent de celui du reste des Juifs du monde. Chez eux, le Shabbat dure 24h et non 25. Les Samaritains portent pour l’occasion un habit spécial appelé Umbaz, qui est une sorte de long talit.

Ils ont pour coutume d’accueillir le Shabbat en se réunissant en famille autour d’un verre de thé et de gâteaux, puis ils se couchent après le Kiddouch vers 21h car les prières débutent à 3h du matin. Ils ont également l’habitude de prier par terre sans chaussures comme dans l’islam, car selon eux, plusieurs prophètes priaient de cette manière.


"Nous avons les mêmes fêtes que les Juifs, mais nous les célébrons différemment. A Pessah, par exemple, nous faisons le sacrifice du mouton, ce que les Juifs ne font pas. A Souccot, nous disposons les fruits dans la soucca différemment, nous mettons environ 300 grenades. A Rosh Hachana, nos prières peuvent durer plus de 16h et se font également différemment. Ce que nous avons de similaire, c’est le Houmach (Torah) mais même dans celui-ci, il y a plus de 6000 mots différents", explique Abood.

Concernant leur ascendance généalogique, les Samaritains déclarent qu’ils descendent de deux fils de Joseph (fils de Jacob), Éphraïm et Manassé. Leur religion, parfois appelée samaritanisme, est l'une des plus anciennes branches du judaïsme, séparée de ce qui deviendra le judaïsme orthodoxe entre le VIe et le IVe siècle av. J.-C. Elle est fondée sur le Pentateuque samaritain, les Samaritains refusant les livres de la Bible hébraïque postérieurs au Pentateuque. Contrairement à la majorité des courants du judaïsme, les Samaritains ne prennent pas non plus en compte la tradition orale formant le Talmud. Apparus avant le développement du judaïsme rabbinique, ils n'ont pas de rabbins.


Aujourd’hui, si la communauté des Samaritains est principalement établie sur le mont Gerizim, certains vivent à Holon en banlieue de Tel Aviv. Ils ont quitté Naplouse dans les années 1920-30 pour Yafo, puis ils se sont installés à Holon.


Une identité complexe


Sur le mont Gerizim, les Samaritains parlent l’Hébreu ancien ou l’Arabe, et apprennent aussi l’hébreu moderne, généralement à l’université ou sur leur lieu de travail. Ils possèdent également les trois cartes d’identité israélienne, palestinienne et jordanienne. "A la maison, nous parlons l’Arabe. L’hébreu moderne, je l’ai appris en étudiant la Torah, lors de mes études mais aussi lorsque j’ai travaillé 4 ans en Israël", déclare Abood.


Il affirme que ses voisins Palestiniens "reconnaissent les Samaritains à leur plaque d’immatriculation israélienne, ils pensent qu’on est Arabes israéliens car nous parlons l’Arabe. Nous n’avons jamais eu de soucis avec eux. Certains pensent qu’on soutient Israël mais qu’on ne veut pas le dire. Après le 7 octobre, peu de choses ont changé à vrai dire, mais les Palestiniens ont craint que l’armée ne leur fasse des problèmes", dit-il.


Certains Samaritains s’enrôlent dans l’armée, majoritairement ceux qui vivent à Holon. Abood a préféré ne pas effectuer son service en raison de son voisinage, il craignait que les Palestiniens lui en veulent de défendre l’Etat d’Israël. 


Samaritains
"Nous aimons Israël bien sûr, depuis la création de l'État notre situation financière et sécuritaire s'est améliorée, nos droits aussi; nous pouvons voter chez les Israéliens comme chez les Palestiniens. Nous avons un sentiment d'appartenance très fort au peuple d'Israël mais nous nous sentons également Palestiniens, car nous habitons en Cisjordanie depuis des générations. Évidemment, cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord avec tout ce que les Palestiniens font et encore moins le Hamas!", soutient Abood.

Abood confie avoir en lui "une petite partie d’Israël et une petite partie de la Palestine. Pour le reste, notre identité est basée sur le respect de la Torah et des mitzvot."


Les Samaritains vivent en général entre eux et ne se mélangent pas au reste des populations. Pour le mariage, ils doivent obligatoirement épouser un semblable ou convertir la personne au samaritanisme. "Si un Samaritain rencontre une fille juive ou d’une autre religion, elle doit adopter notre mode de vie et nos règles, c’est son époux qui lui enseigne et c’est lors du mariage qu’elle devient une vraie samaritaine", déclare Abood.


"Si l’on veut partir à l’étranger longtemps pour les vacances ou pour étudier c’est compliqué, car la communauté s’interroge", déplore-t-il.


En quête d’émancipation, Abood a commencé à écrire un livre d’une quarantaine de pages en anglais depuis deux ans. Il a également ouvert sa propre chaîne You Tube où il poste des mélodies samaritaines, et des prises de parole en direct sur la paracha de la semaine en hébreu ancien. Abood s'est aussi servi de la plateforme pour diffuser un documentaire sur la vie des Samaritains réalisé par Arte en 2017, dont il était l'acteur principal . "Je souhaite que notre culture soit exposée au maximum de personnes", a conclu Abood.


Caroline Haïat


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