top of page
Photo du rédacteurCaroline Haïat

Les Bédouins d’Israël, leaders du vivre-ensemble 


Rencontre musicale à Kyriat Gat
Rencontre musicale à Kiryat Gat

Lorsque le Hamas s’infiltre en Israël le matin du 7 octobre pour attaquer violemment les habitants des kibboutzim du sud et les participants du festival Nova à Reim, les Bédouins sont les premiers à se mobiliser pour sauver les Juifs du massacre, là où l’armée et les services de sécurité ont failli. Les Bédouins d’Israël ont eux-mêmes payé un lourd tribut de la guerre, 22 d’entre eux ont été tués et quatre sont toujours retenus en otage à Gaza. Main dans la main avec la communauté juive, les Bédouins œuvrent chaque jour via différentes actions et projets pour consolider le vivre-ensemble dans la région et prouver que la coexistence est la seule voie vers la paix. Depuis le début de la guerre, plusieurs initiatives remarquables ont été mises en place, principalement dans trois secteurs : la culture, le social et l’éducation pour montrer que Juifs et Arabes sont unis contre un ennemi commun. Nous avons rencontré des personnalités influentes de la société bédouine qui prônent le changement et véhiculent une image positive du partenariat arabo-juif qui mérite aujourd’hui plus que jamais, d’être valorisé.


Le premier centre de collecte de dons du pays


Quelques jours après le début de la guerre, des bénévoles de la communauté bédouine de Rahat dans le Néguev, ont monté le tout premier centre de dons du pays où Juifs et Arabes confectionnent des colis de nourriture et d'aide humanitaire pour les familles du sud fortement touchées par la tragédie. L'initiative a été organisée dans le palais culturel de Rahat par Foad Zeadna, directeur du centre communautaire de la ville. Son cousin et son fils ont notamment été enlevés par le Hamas alors qu’ils travaillaient à Holit, un kibboutz en bordure de Gaza, tandis qu'un autre membre de sa famille a été assassiné à Zikim. Foad a décidé de se mettre immédiatement dans l’action et à fait appel à des milliers de volontaires venus de tout le pays, issus de la société juive et arabe, qui empaquettent depuis bientôt 10 mois des centaines de colis alimentaires à destination des familles victimes du terrorisme.


"Notre tissu social est formé d’une mosaïque d’identités avec un dénominateur commun : nous croyons dans l’attention portée à l’autre, dans la réciprocité, dans la solidarité et dans l’acceptation d’autrui", explique Foad Zeadna. 


Centre de collecte de dons à Rahat
Centre de collecte de dons à Rahat

Un forum pour soutenir les victimes de la guerre


En parallèle, le lieutenant-colonel Wahid Ahoziil et Rotem Shurtz Borowitz, sous l’égide du Centre de résilience de la société bédouine dirigé par Ibrahim Elatauna ont créé un forum judéo-arabe pour soutenir les victimes de la guerre et leurs familles. Cette association offre un soutien communautaire et une aide psychosociale basés sur la coexistence. Le forum met en place un dispositif d’accompagnement thérapeutique et communautaire sous forme d’une réponse adaptée au stress, aux traumatismes et à l'anxiété extrêmes, grâce au travail de thérapeutes et de psychologues. Le forum propose également un accompagnement spécial pour les familles en leur facilitant un contact direct avec l'armée israélienne ou les autorités compétentes, une médiation et une assistance. Des aides financières complémentaires sont également accordées.


Forum de soutien
Forum de soutien

"Nous avons directement pris en main les familles touchées par la guerre, que ce soit au niveau psychologique, financier ou éducatif, et aujourd’hui nous aidons également les héros de la communauté bédouine qui ont défendu le pays ; environ 3500 Bédouins travaillent avec des Juifs dans les localités proches de Gaza et notre lien est indéfectible. La communauté bédouine s’est mobilisée en masse pour aider les habitants impactés par le drame, notamment par des dons", a déclaré Wahid Ahoziil.


Une solidarité à toute épreuve


"Depuis le 7 octobre, je donne énormément de conférences dans différentes communautés sur le rapprochement des peuples. Les Bédouins et les Juifs n’ont pas besoin d’une guerre pour vivre en paix car nous agissons d’une même voix et coopérons quotidiennement", souligne-t-il. "Le problème vient des dirigeants qui mettent à mal les relations entre Juifs et Arabes, encouragent la méfiance et continuent de détruire les habitations des Bédouins. Mais dans les faits, la communauté arabe s’est énormément impliquée dans l’effort collectif depuis le 7 octobre", affirme Wahid.


Conférence de Wahid Ahoziil
Conférence de Wahid Ahoziil

Dès les premiers instants de la guerre, de nombreux bédouins ont en effet sauvé les Juifs en les cachant dans leurs fermes, en allant les chercher personnellement en voiture au festival Nova alors que les terroristes les poursuivaient ou en leur proposant l’hébergement gratuit comme Sami Alkarnawi, propriétaire de cinq hôtels à Mitzpe Ramon. A ses frais, Sami a logé les habitants des localités proches de Gaza. Des milliers de personnes, dont des familles fuyant les bombardements, ont ainsi trouvé refuge dans ses établissements.


Si les initiatives sociales ne cessent de se multiplier depuis le 7 octobre, la culture a notamment une place de choix dans le maintien des relations arabo-juives en période de guerre.


Le théâtre mixte Alyamama, l’art comme échappatoire


Le théâtre arabo-juif Alyamama, créé en mai 2021 suite aux émeutes dans les villes mixtes, est un véritable exemple du vivre-ensemble dans la région, à l'initiative de son directeur général Daniel Alter. Le but est de renforcer la communauté et d’apporter un soutien aux citoyens à travers l'art, surtout en ces temps difficiles. Alyamama a élaboré de nombreux projets culturels dont "Shabbat Tarbut", qui rassemble des résidents de diverses communautés du sud et promeut l'unité en leur permettant de profiter de moments de joie et d'échapper à la dure réalité. Une rencontre musicale passionnante à notamment été organisée à Kiryat Gat avec les évacués de Lachish et Nir Oz, et les musiciens Larisa et Eliyahu Peretz. Par ailleurs, les spectacles conçus par Alyamama ont pour mission de promouvoir l'unité et de construire des ponts entre les communautés arabes et juives du Néguev.


Théâtre Alyamama
Théâtre Alyamama

Ce théâtre met l'accent sur le pouvoir de l'art pour réunir les gens et renforcer le sentiment de solidarité, tout en offrant un espace d'expression en préservant la culture et le patrimoine. "Alyamama est devenu un pôle culturel essentiel dans le Néguev, et un modèle d'intégration entre les communautés. Le théâtre dont ses membres sont Arabes et Juifs, est non seulement un centre artistique unique, mais aussi un lieu de rencontres", affirme Daniel Alter


Ses fondateurs, Kaid Abulatif et Daniel Alter, ainsi que toute l'équipe, investissent beaucoup d'efforts dans la promotion de spectacles, d'ateliers et d'activités destinés à tout public. Ils proposent notamment des pièces de théâtre qui abordent les problèmes sociaux, culturels et personnels, dans le but d'accroître la compréhension mutuelle entre les communautés. En outre, Alyamama monte des projets éducatifs pour la jeune génération en fournissant des outils artistiques et culturels destinés à leur expansion sociale.


Daniel Alter et Kaid Abulatif
Daniel Alter et Kaid Abulatif

"Alyamama est bien plus qu’un théâtre au sens traditionnel du terme, il symbolise une société commune et créative, qui fonctionne à partir d’un profond engagement à connecter les Juifs et les Arabes à travers la culture. Les gens y expérimentent le pouvoir de l'art en tant qu'outil de dialogue et de collaboration", explique Kaid Abulatif, co-fondateur du théâtre et acteur. Son frère Ahmad, qui servait dans Tsahal, est tombé à Gaza en janvier dernier, il prônait fermement le vivre-ensemble.


"Nous croyons fermement que la réalité peut changer de manière positive et pour ce faire, nous mettons en lumière la culture unique des habitants de Rahat et des alentours et promouvons un discours ouvert et respectueux", poursuit Kaid.


Théâtre Alyamama
Théâtre Alyamama

Alyamama a notamment remporté le prix du meilleur spectacle au Festival international de théâtre de Sarajevo en Bosnie avec la pièce "The Last Khan": Navi et Nadi, en quarantaine après une épidémie mondiale, se battent pour survivre dans la nouvelle réalité. Le prochain spectacle d’Alyamama, "Yam Rahat" en partenariat avec l'Académie de Danse et de Musique de Jérusalem aura lieu le mardi 20 août à Mahane Yehuda à Jérusalem. Danseuses juives et acteurs arabes proposent une version revisitée de la danse traditionnelle Dahiya sur fond de textes en prose.


Spectacle Yam Rahat
Spectacle Yam Rahat

Des partenariats culturels uniques 


La société bédouine agit perpétuellement en faveur de collaborations uniques pour promouvoir le lien fort avec la communauté juive. Ce mois-ci, un protocole d'accord historique a été signé entre le centre communautaire de Rahat et la bibliothèque nationale de Jérusalem. Le mémorandum d'accord prévoit notamment la coopération dans le domaine de la recherche, des ateliers et des conférences scientifiques ainsi que l'échange de publications scientifiques entre Rahat et Jérusalem. 


Des festivals de cinéma, de théâtre mais aussi du café et de la musique sont également organisés régulièrement pour faire connaître la culture bédouine et ses richesses.


La semaine prochaine, un concert judéo-arabe aura lieu à l’université Ben-Gurion de Beersheva à la mémoire de Shlomi Mathias et Shahar Mathias-Troan, assassinés le 7 octobre dans leur maison du kibboutz Holit. Dans le cadre du concert qui se tiendra désormais chaque année en leur honneur, un prix sera remis aux musiciens qui promeuvent la vie commune entre Juifs et Arabes à travers leur travail. 


Par le biais d'activités diverses et productives, la communauté bédouine ouvre la voie à un changement de perspective dans la région en faveur de l’unité du peuple israélien.


Caroline Haïat


0 commentaire

Comments


bottom of page